Le livre noir de l'agriculture d'Isabelle Saporta
L'auteur nous propose un très bon livre sans concessions sur les dérives de l'agriculture intensive. Je dirai même un essai dérangeant pour une personne peu avertie qui cherche à prendre conscience petit à petit de cette triste réalité mais un livre riche d'informations, synthétique qu'on prend plaisir à relire et notamment les passages qui nous donnent des arguments béton quand on discute avec une personne peu convaincue ou de mauvaise foi ( Chouette il y en a encore beaucoup donc débat en perspective).
L'exemple de l'élevage industriel de porc est révélateur des errements dans lesquels se sont fourvoyés certains producteurs accompagnés dans leur délire irrationnel et mortifère par les coopératives, certains syndicats agricoles et les pouvoirs publics.
Ce que l'on comprend dans ce livre c'est que cet élevage concentrationnaire ne tiendrait pas sans la fameuse « béquille médicamenteuse » en l'occurence les antibiotiques délivrés avec complaisance par des vétérinaires peu regardants.
Isabelle Saporta dénonce l'absence d'éthique, de moralité dans ces élevages intensifs où on a dévitalisé l'être animal pour en faire du « minerai ».
Comment peut-on respecter l'être humain et la santé des consommateurs quand on respecte aussi peu l'être animal?
Comment avons nous peu laisser croitre un tel univers carcéral aux méthodes cruelles envers nos bêtes censées nous nourrir? Où est donc passé le bon sens paysan de jadis? Les paysans d'autrefois doivent se retourner dans leurs tombes à la vue de ces camps de concentation animales que les générations suivantes de producteurs ont laissé prospérer sans se soucier un instant du bien-être animal.
Les producteurs marchent sur la tête, ils se sont embarqués dans une spirale infernale ou l'éleveur d'autrefois « faiseur de vie » ressemble de nos jours à « un sérial killer » animal selon l'auteur car il est vrai que la rentabilité à outrance a occulté le bon sens paysan et a supprimé toute vie à ces êtres animaux et toute conscience morale à ces producteurs qui en plus financièrement ne s'en sortent pas.
Le livre évoque aussi les dérives de l'alimentation animale dans ces élevages où les aliments donnés dépendent des cours mondiaux. Quand les prix montent on cherche à donner l'aliment le moins cher possible quitte à être moins regardant sur le contenu et la provenance de ces aliments.
L'auteur n'hésite pas à dire qu'on est prêt à donner n'importe quoi du moment que l'animal survit. Le consommateur, situé en bout de chaine alimentaire, paye alors un lourd tribu en terme de santé à cause des dérives de l'alimentation animale.
L'auteur explique très bien que le rapport oméga 6/ Oméga 3 est de plus en plus déséquilibré et que l'on consomme trop d'omégas 6 ce qui entraine des troubles de l'inflammation débouchant à coup sûr sur certaines pathologies (diabète, cancer...).
Isabelle Saporta dépeint très bien le syndrome de Stockholm appliqué au monde agricole car on a jamais vu autant d'agriculteurs être à la fois victimes des faillites du système intensif et en même temps se considérer comme les premiers défenseurs de ce système irrationnel qui les élimine à petit feu.
Au lieu de virer de bord, on emmène tout le monde dans le mur car quand un système déraille à ce point, il faut en changer et non affirmer que les difficultés actuelles sont liées au fait qu'on a pas été assez loin dans l'application de ce système. Il faudrait donc produire plus dans des exploitations encore plus grandes ce qui supposerait un endettement supplémentaire pour des producteurs déjà exsangues. ( N'importe quoi!!!!).
Isabelle Saporta a raison quand elle affirme que « la course à la production de masse, on ne la gagnera pas car il y aura toujours un pays capable de produire plus et moins cher » et pendant ces vaines et ridicules tentatives de rester compétitif, on continue de tuer la terre, on empoisonne les consommateurs à petit feu, on contamine les cours d'eau et on sacrifie les générations suivantes.
Il y a heureusement plusieurs notes positives dans ce livre et notamment quand elle dit ( elle n'est plus seule, l'INRA l'affirme aussi!) qu'on peut produire sans pesticides avec un raisonnement que je vous laisse découvrir en lisant ce livre.
Antony